Lutter efficacement contre l’oïdium : repérer les symptômes et choisir le bon traitement en viticulture

L’oïdium, un ennemi sournois de la vigne

L’oïdium, parfois appelé « blanc » en raison de l’aspect poussiéreux qu’il laisse sur les tissus végétaux, est l’une des principales maladies cryptogamiques impactant la viticulture mondiale. Causée par le champignon Erysiphe necator, elle inquiète chaque année viticulteurs et œnologues. Difficile à éradiquer, cette maladie fongique peut provoquer des pertes de rendement allant jusqu’à 80% sur les parcelles fortement infectées (source : Institut Français de la Vigne et du Vin). Son contrôle est donc capital pour préserver la qualité des raisins et des vins.

Identifier l’oïdium : les signes qui ne trompent pas

Sur les feuilles :

  • Dépôts farineux : L’apparition de taches gris-blanchâtres, parfois accompagnées d’un aspect feutré, constitue le signe le plus précoce. Ces zones farineuses sont souvent localisées sur la face supérieure des jeunes feuilles, mais peuvent gagner l’ensemble du limbe si la pression est forte.
  • Déformation des tissus : En avançant dans la saison, les feuilles atteintes peuvent se boursoufler, se racornir ou présenter des marges crispées.
  • Brunissement et nécrose : Les attaques sévères induisent le dessèchement des tissus, réduisant considérablement la capacité photosynthétique de la parcelle.

Sur les grappes :

  • Poussière blanche sur les baies : Dès la nouaison, les jeunes grains sont recouverts d’une pellicule blanchâtre, parfois accompagnée de crevasses longitudinales. Lors d’attaques précoces, les grains ne grossissent pas, durcissent et éclatent parfois lors de la véraison.
  • Pédicelles et rafles : Les structures vertes de la grappe peuvent également être recouvertes du feutrage caractéristique, fragilisant l’ensemble de l’inflorescence.

Le facteur météo est déterminant : l’oïdium affectionne les printemps et débuts d’été doux mais humides (températures entre 10°C et 25°C avec hygrométrie supérieure à 60%). La forte densité du couvert végétal, l’exposition ombragée et la mauvaise aération des ceps favorisent aussi la contamination (source : Agroscope).

Cycle de vie et modes de propagation du champignon

Erysiphe necator passe l’hiver sous forme de mycélium dormant dans les bourgeons ou sous forme de spores de conservation (chasmothèces) fixées aux débris végétaux et à l’écorce. Dès les premiers redoux, il reprend du service avec les premières pluies printanières.

  • Les spores (conidies) sont disséminées principalement par le vent, mais la pluie, les insectes et l’outillage non désinfecté peuvent aussi propager la maladie d’une parcelle à l’autre.
  • Le temps d’incubation varie de 5 à 14 jours selon les conditions climatiques.
  • Un cep contaminé peut servir de foyer pour tout un ilot viticole, la vigilance s’impose donc en continu.

À noter : Le cycle rapide d’Erysiphe necator lui permet de produire jusqu’à 15 générations par saison (Source : Vitisphere).

Facteurs de risque accrus : sensibilités variétales et contexte viticole

L’intensité des symptômes dépend notamment :

  • de la variété de vigne (Chardonnay, Syrah, Cabernet Sauvignon : très sensibles ; Merlot et certains hybrides possèdent une tolérance accrue)
  • du mode de conduite et du palissage (lisières d’îlots, zones basses ou peu aérées plus sensibles)
  • des pratiques culturales (irrigation excessive ou fertilisation azotée peuvent stimuler la croissance du feuillage et favoriser la maladie)

Certains terroirs, par leur exposition ou leur altitude, voient leur pression oïdium réduire — mais il faut rester vigilant dans la majorité des bassins viticoles français. En Bourgogne et dans le Bordelais, où l’humidité est fréquente, un suivi régulier s’avère nécessaire. Selon le BNIC (Bureau National Interprofessionnel du Cognac), plus de 60% des parcelles de la région Charentes présentent des symptômes en moyenne lors des années à forte pression.

Diagnostic différentiel : éviter la confusion avec d’autres maladies

L’oïdium peut être confondu avec le mildiou en début de saison ou même avec des problèmes physiologiques comme la carence magnésienne. Mais, il ne présente pas de symptômes jaunes huileux sur la face supérieure de la feuille, ni de duvet blanc sous la feuille — ce qui distingue clairement ces deux maladies majeures de la vigne (voir fiche technique IFV).

Lutter contre l’oïdium : stratégie et bonnes pratiques

Prévention en viticulture raisonnée et biologique

  • Travail du couvert végétal : Epamprage, effeuillage et taille douce permettent une meilleure aération et réduisent les foyers d’humidité.
  • Biocontrôle et stimulation naturelle : Des préparations à base de soufre (autorisé en bio), de bicarbonate de potassium ou d’extraits végétaux (prêle, ortie, algues brunes) contribuent à freiner le développement fongique.
  • Surveillance régulière : Un suivi hebdomadaire est important, du débourrement à la fermeture de la grappe, surtout si la météo est propice au champignon.
  • Implantation de porte-greffes tolérants : À long terme, privilégier des variétés moins sensibles reste une stratégie gagnante.

Traitements chimiques et réglementation actuelle

  • Soufre : Le soufre sous forme pulvérulente ou mouillable est le plus utilisé. Appliqué idéalement le matin, il est efficace si le thermomètre dépasse 18°C. À dose élevée, il atteint un seuil de phytotoxicité pour la vigne (brûlures), donc attention au dosage : limiter à 8-12 kg/ha suivant le stade (Source : ACTA).
  • Fongicides spécifiques : Les produits à base de triazoles, strobilurines ou SDHI sont parfois nécessaires, notamment dans l’agriculture conventionnelle. Leur utilisation doit cependant respecter les doses maximales annuelles légales (souvent 3 passages par campagne).
  • Bicarbonate de potassium : Adopté en AB, il a une efficacité validée mais reste moins résistant au lessivage.
  • Attention aux résistances fongiques : Erysiphe necator est réputé volatile, d’où l’importance d’alterner les matières actives et d'intégrer des préparations naturelles dans les programmes de traitement.

Moments clés d’un calendrier de traitement raisonné

  1. Application avant floraison : pour protéger les jeunes organes.
  2. Au stade nouaison-formation des grappes : période maximale de sensibilité.
  3. Éventuelle intervention après fermeture des grappes, si pression persistante.

Le respect des conditions météo (éviter traitements sous forte chaleur, roulement des matières actives) est essentiel. Selon la Chambre d’Agriculture du Gard, l’efficacité diminue de 60% si une pluie survient avant le séchage du produit.

Alternatives prometteuses et recherches en cours

Depuis 2020, des pistes novatrices émergent :

  • Levures antagonistes : Aureobasidium pullulans ou Trichoderma limitent la colonisation de l’oïdium par compétition naturelle (Testé en Alsace, INRAE).
  • Variétés PIWI : Ces cépages résistants (Marlene, Vidoc, Divico) montrent une réduction des attaques de 80 à 95%, mais leur acceptation par l’AOC française reste limitée.
  • Utilisation de l’ozone et du rayonnement UV-C : Études expérimentales en cours en Suisse et Espagne. Cette technologie permet une destruction des spores à la surface des feuilles, mais la faisabilité en parcelle entière n’est pas encore aboutie.

Ces solutions viendront probablement s’ajouter dans les prochaines années à la panoplie du vigneron, pour une lutte moins chimique et plus durable.

Synthèse et conseils clés pour les vignerons

  • L’oïdium est une maladie redoutable car discrète et évolutive, qui exige un repérage précoce et des mesures adaptées à chaque stade.
  • Combiner prévention, observation et traitements alternés reste la meilleure garantie de protection.
  • S’appuyer sur l’expertise d’un conseiller viticole et mettre en place des outils de veille météo (>ainsi que l’outil mildiocalcul du GRAPEA par exemple)
  • Pensez à valoriser les essais locaux et à échanger entre viticulteurs : l’entraide technique accélère souvent la diffusion des pratiques efficaces !

La lutte contre l’oïdium symbolise toute la complexité du métier : s’adapter, innover, anticiper, afin de préserver la vitalité de la vigne, la qualité du vin… et la passion qui anime chaque domaine.

Sources : IFV, Agroscope, INRAE, BNIC, Vitisphere, Chambre d’Agriculture du Gard, ACTA.

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