Les clés matérielles d'un système viticole vertical efficace et innovant

Adapter la structure : supports et solutions d’ancrage

La multiplication des projets urbains et périurbains de viticulture verticale a placé la conception des supports structuraux au cœur des préoccupations techniques (source : OIV, 2021 OIV). Les choix varient fortement selon l’environnement, la hauteur visée, le type de sol et la charge attendue.

  • Les treillis métalliques modulaires : Souvent composés d’acier galvanisé ou d’aluminium, ils se distinguent par leur capacité à s’adapter à la croissance de la vigne et leur excellente résistance à la corrosion. Idéals pour les installations temporairement déplacées ou extensibles.
  • Poteaux en acier ou en fibre de verre : Plus solides que le bois sur la durée, ils supportent de lourdes charges et s’intègrent bien dans les espaces urbains en façade ou en toiture. Leur mise en œuvre nécessite une analyse des charges de vent et de la portance du support architectural.
  • Systèmes autoportants à cadre rigide : Ces structures, essentiellement conçues pour les vertical farms, sont prévus pour des installations intérieures ou sur les toits. Leur stabilité et leur adaptabilité permettent l'intégration de modules d’irrigation ou d’ombrières climatiques.
  • Supports en bois traité : Bien que traditionnellement utilisés, ils sont moins adaptés aux très grands murs ou façades, mais restent plébiscités pour leur facilité d’installation et leur coût réduit dans de petits espaces, à condition de veiller à leur durabilité (choix des essences, traitements écologiques).

Des choix innovants émergent, tels que le recours à des matériaux recyclés ou composites afin de réduire l’empreinte carbone globale de l’installation (source : IFV, 2022). Il convient à ce stade de privilégier des matériaux certifiés pour le contact alimentaire et résistants aux UV et à l’humidité.

Le rôle clé de l’instrumentation : capteurs et automatisation

Le pilotage du microclimat dans la viticulture verticale exige une surveillance constante et des outils sophistiqués. Plusieurs types de capteurs sont aujourd’hui plébiscités pour garantir un développement optimal de la vigne et anticiper les aléas.

  • Capteurs de température et d’humidité relative : Indispensables pour moduler à la fois irrigation et protection phytosanitaire, notamment dans des configurations en toiture ou à proximité de murs qui créent des microclimats spécifiques.
  • Capteurs d’humidité du substrat ou de la terre : Ils permettent d’ajuster précisément les apports en eau. Les sondes tensiométriques ou capacitives offrent une lecture en temps réel et des alertes automatisées (source : Agriculture & nouvelles technologies, 2023).
  • Systèmes de monitoring de la lumière (par ex : capteurs PAR, photosynthétiquement actifs) : Essentiels en milieu urbain où l'ensoleillement varie en fonction des surfaces vitrées ou des ombres portées. Ces capteurs facilitent aussi l’automatisation des lampes de croissance en intérieur.
  • Capteurs environnementaux connectés (IoT) : Les réseaux LoRaWAN ou Sigfox permettent de relier plusieurs dispositifs à une plateforme centralisée, pour un pilotage à distance et prédictif de l’ensemble du vignoble vertical. Ils sont de plus en plus accessibles pour les exploitations moyennes, avec des solutions dès 150 € par module (source : Vinitech Innovation, 2023).

Le choix de l’instrumentation dépend de la complexité de l’installation, mais l’intégration de capteurs connectés est aujourd’hui un véritable levier d’amélioration des rendements et de réduction des intrants, notamment dans une logique de viticulture de précision.

Sécuriser la production et le microclimat : filets et toiles techniques

Dans un contexte vertical, le microclimat peut être exacerbé, combinant chaleur, vent et une exposition accrue aux polluants urbains ou aux aléas météorologiques. Les solutions textiles viennent alors compléter la panoplie du viticulteur innovant.

  • Filets anti-oiseaux : En ville comme à la campagne, la présence accrue d’oiseaux, notamment les étourneaux ou pigeons, peut décimer une production sur une petite surface en quelques jours. Les filets en polyéthylène haute densité, à mailles fines (16–18 mm), préviennent efficacement toute intrusion.
  • Toiles d’ombrage : En toiture ou en façade plein sud, les pics de température menacent l’intégrité des raisins et la photosynthèse. Les toiles d’ombrage (30 à 50 % de filtration) sont particulièrement recommandées lors des vagues de chaleur comme celles enregistrées lors de l’été 2022 (+3,8°C par rapport à la moyenne décennale selon Météo France).
  • Filets anti-grêle et anti-insectes : Leur usage se répand avec l’intensification des épisodes de grêle et l’augmentation de la pression parasitaire (drosophile suzukii, cicadelle), y compris en environnement urbain (source : IFV, 2023). Les filets doivent allier finesse du tissage et robustesse, adaptés aux systèmes verticaux où leur pose en hauteur peut s’avérer délicate.
  • Membranes biodégradables temporaires : Pour limiter l’exposition aux agents pathogènes dans les phases critiques du développement végétatif, certains producteurs expérimentent des films biodégradables qui offrent une protection temporaire et s’éliminent naturellement à la fin de la saison.

Il est toujours conseillé d’évaluer les risques (vent, déchirure, facilité de pose et d’entretien) avant de sélectionner la typologie de filet ou de toile, surtout si le vignoble vertical se situe en zone urbaine dense ou exposée.

Optimiser la nutrition et l’enracinement : substrats adaptés à la vigne verticale

La culture en vertical bouleverse les habitudes de gestion des sols, car l’espace racinaire est souvent restreint ou confiné dans des bacs, caissons ou poches suspendues. Pour garantir à la vigne une alimentation hydrique et minérale stable, le choix du substrat devient capital.

  • Substrats organiques enrichis
    • Fibre de coco : Léger, bien drainant, il assure une bonne rétention d’eau tout en limitant les risques de pourriture. Son pH naturellement acide (5,5-6,5) est compatible avec la majorité des cépages européens.
    • Compost horticole à base de lombricompost : Excellente réserve d’azote et stimulant racinaire, il favorise l’activité microbienne indispensable au bon développement végétatif en milieu contraint.
  • Substrats minéraux
    • Perlite et vermiculite : Utilisées en mélange (10 % à 20 %) pour alléger le substrat et améliorer la porosité, elles préviennent l’asphyxie racinaire souvent observée dans les bacs confinés, où la saturation en eau est à surveiller de près.
    • Pierre ponce ou pouzzolane broyée : Bonne tenue mécanique et propriétés drainantes, ces matériaux sont aussi utilisés pour créer des filtres ou fonds de jardin vertical, participant à la régulation de l’arrosage.
  • Solution de substrats mixtes, essentiels sur grande hauteur : Pour limiter le lessivage et l’appauvrissement, un mélange personnalisé (par exemple, 40 % terre végétale, 30 % compost mature, 15 % fibre de coco, 10 % perlite et 5 % biochar) est à privilégier. D'après l’IFV, ce type de substrat a permis, au sein de l’expérimentation Terravitis, de maintenir des rendements stables autour de 3,5 kg/m² en milieu très urbanisé.

Une attention particulière doit être portée à la stabilité structurale et à la capacité de rétention en éléments nutritifs du substrat, notamment pour des arbres de long terme qui resteront plusieurs années sur place. N’oublions pas enfin, pour les systèmes hors sol, l’importance de l’irrigation et de la fertilisation en solution (fertirrigation), qui passe aussi par la qualité et l’équilibre du substrat.

Associer les matériels pour anticiper les défis de demain

Le modèle vertical bouscule la viticulture conventionnelle, amenant à repenser chaque élément du matériel utile : supports, capteurs, filets et substrats ne se choisissent pas indépendamment, mais en cohérence avec l’environnement urbain ou rural, le climat local et les attentes de qualité de production.

Plusieurs tendances se dessinent pour les prochaines années :

  • L’avènement de matériaux recyclés et innovants favorisant l’économie circulaire et la durabilité.
  • L’intégration systématique de capteurs connectés pour une gestion prédictive des microclimats.
  • Le développement d’agrivoltaïsme vertical pour allier production d’énergie et culture de la vigne, à l’image des projets pilotes lancés en 2023 dans la région méditerranéenne (source : Agrisolar Europe, 2023).
  • La création de substrats bioactifs optimisés pour la nutrition et la résilience des vignes sur le long terme.

L’enjeu majeur pour tout futur vigneron “vertical” sera de concilier accessibilité des matériels, sécurité des installations et exigences de qualité, tout en innovant pour s’adapter à un monde en mutation. La réussite de systèmes viticoles verticaux passera donc toujours par une observation fine et un ajustement continu des équipements – une démarche où tradition et modernité se rencontrent, au service de la vigne.

Pour aller plus loin