Raisins oblongs : quelles variétés privilégier pour une résistance accrue face aux maladies de la vigne ?

Pourquoi l’intérêt pour les raisins oblongs et leur résistance ?

La forme oblongue des raisins – plus longue que large, parfois presque cylindrique – n’est pas seulement une affaire d’esthétique ou de prédilection gastronomique. Ce type de fruit concentre plusieurs enjeux pour la filière :

  • Apparence recherchée sur le marché du raisin de table ou pour certains styles de vins.
  • Potentialités aromatiques différenciées selon la surface de peau et le rapport pulpe/peau.
  • Diversification variétale pour renouveler le vignoble et répondre à la pression des maladies.

La résistance naturelle, ou acquise par sélection, à certaines maladies courantes reste une priorité pour limiter l’utilisation des phytosanitaires, maintenir des rendements stables et soutenir l’agriculture biologique.

Cépages oblongs traditionnels : quelle robustesse face aux maladies ?

Des références historiques parfois vulnérables

Dans le bassin méditerranéen, certaines variétés à baies oblongues ont une longue histoire. Citons :

  • Le Chasselas (sous certaines formes comme le Chasselas doré de Fontainebleau)
  • L’Italie (raisin de table), variété particulièrement allongée et populaire en France depuis les années 1970
  • La Dattier de Beyrouth, remarquable pour sa grande taille et sa forme évoquant une datte

Cependant, ces cépages traditionnels présentent des limites. Par exemple, la suscetibilité au mildiou (Plasmopara viticola), à l’oïdium (Uncinula necator) ainsi qu’à la pourriture grise (Botrytis cinerea) reste élevée chez de nombreux cultivars de raisins de table oblongs (source : Vignevin.com).

Quelques chiffres marquants

  • Le cépage 'Italia' exige en moyenne 8 à 12 traitements fongicides annuels en milieu sensible selon l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin).
  • La 'Dattier de Beyrouth' est citée comme faiblement résistante au mildiou par le PlantGrape.

Cépages oblongs résistants issus d’hybridations : nouveaux standards ?

La recherche variétale s’est intensifiée ces deux dernières décennies. Priorité a été donnée à l’incorporation de gènes de résistance issus d’espèces américaines ou asiatiques, fameuses pour leur robustesse.

Quelques variétés à suivre

  • Muscat bleu : Obtenu en Suisse, ce cépage possède une forme oblongue et courbe, une résistance notable au mildiou et à l’oïdium. Il est inscrit sur la liste européenne des variétés tolérantes.
  • Regent : Bien que plus utilisé pour la vinification, sa forme peut présenter des baies allongées. Il combine robustesse au mildiou (score de 7/9 selon l’INRAE) et tolérance à l’oïdium.
  • Arkadia : Originaire d’Ukraine, sélectionné pour le raisin de table avec une résistance « moyenne à bonne » au principal trio de maladies de la vigne (INIFAP).
  • Varietas ‘Dona Maria’ : Nouvelle sélection portugaise à la baie longue, résistante au mildiou et à l’oïdium (Université de Lisbonne, 2021).

Résistance : quels résultats à l’essai ?

  • Le Muscat bleu n’a nécessité que 3 à 4 traitements annuels en conditions réelles de pression moyenne, soit une réduction de 60 à 70 % des applications phytosanitaires par rapport aux Chasselas classiques (source : Agroscope).
  • ‘Regent’ reste indemne d’oïdium durant les trois quarts des années en Alsace, d’après les réseaux IFV.

Mécanismes de résistance naturels chez les raisins oblongs

Parois cuticulaires et architecture de la grappe

Certains raisins oblongs présentent une peau plus épaisse ou des microcouches de cire cuticulaire qui ralentissent la pénétration des champignons. D’autre part, les grappes plus aérées typiques de certaines oblongues évitent la stagnation de l’humidité et limitent la propagation du Botrytis. On observe que :

  • Des variétés comme le Muscat Ottonel oblong montrent une incidence de pourriture grise réduite de 25 % environ par rapport à des grappes compactes (source : IFV, essais Bourgogne 2018).
  • La présence de polyphénols spécifiques dans la peau (stilbènes) augmente la résistance à l’oïdium (INRAE, 2019).

Particularités physiologiques et génétiques

  • Des gènes de résistance identifiés chez Muscadinia rotundifolia (parent d’hybrides oblongs résistants) confèrent une tolérance croisée à plusieurs maladies.
  • Certains oblongs issus de croisements interspécifiques présentent une production élevée de stilbènes, molécules fongistatiques naturelles (revue « Wine & Viticulture Journal », 2020).

Comparatif : quelques cépages oblongs, leur résistance et destination

Nom du cépage Forme du raisin Principale utilisation Résistance maladie* Source
Muscat bleu Oblong, courbe Table, vin ++ mildiou / + oïdium Agroscope
Italia Très allongée Table – (sens. mildiou/oïdium) Vignevin/PlantGrape
Arkadia Oblonge grande Table + à ++ INIFAP
Regent Ovale oblongue Vin ++ (mildiou) / + (oïdium) INRAE/IFV

*++ : forte résistance ; + : résistance moyenne ; – : faible à inexistante.

Intérêt agronomique et enjeux pour le vignoble de demain

Choisir des cépages oblongs naturellement résistants, c’est s’inscrire dans une dynamique d’agriculture durable et de réduction des intrants. Ces variétés sont particulièrement indiquées :

  • En zones humides ou à forte pression cryptogamique (littoral atlantique, vallées du Sud-Ouest, etc.).
  • Pour la conversion en agriculture biologique ou en démarche HVE (Haute Valeur Environnementale).
  • Dans le cadre des restrictions européennes sur l’usage des fongicides (directive Nitrates, Ecophyto II+).

Attention toutefois, toutes les résistances ne sont pas absolues : des contournements de gènes ont été observés dans plusieurs cas après 10 à 15 ans de culture (source : Vignevin Sud-Ouest). La rotation des variétés, la surveillance sanitaire et la diversité génétique restent de mise.

Raisins oblongs résistants : quelques pistes concrètes pour vos plantations

  1. Intégrer des variétés hybrides : Muscat bleu, Arkadia et Dona Maria sont à privilégier pour le raisin de table résistant.
  2. Tester sur petites surfaces avant extension, pour vérifier leur adaptation à vos conditions pédoclimatiques.
  3. Accompagner la plantation de pratiques culturales adaptées : aération de la vigne, éclaircissage des grappes, maintien de la biodiversité environnante.
  4. Se rapprocher des organismes de recherche régionaux pour obtenir du matériel végétal certifié, surveiller l’apparition de nouvelles souches pathogènes, et intégrer les retours d’expérience d’autres producteurs (ex. : réseaux Dephy, IFV, Chambres d’Agriculture).

Vers une viticulture moins dépendante des traitements ?

Le renouvellement des vignes avec des raisins oblongs résistants fait partie intégrante du mouvement pour une viticulture adaptée aux enjeux du XXIe siècle. Entre tradition et innovation, la quête des variétés alliant finesse gustative et résilience sanitaire ouvre la porte à des itinéraires techniques plus sobres et économiques. L’observation continue, la mixité variétale et la veille scientifique sont indispensables pour profiter pleinement du potentiel agronomique de ces cépages. La palette des possibilités évolue vite : rester attentif aux expérimentations et aux catalogues des pépiniéristes permettra d’accompagner la transformation du vignoble français sur des bases robustes et qualitatives.

Pour aller plus loin