Sultanine (Thompson Seedless) : Focus sur une Star parmi les Raisins Oblongs Sans Pépins

Une origine et une histoire singulières : la trajectoire du Sultanine face à ses concurrents

Si le Sultanine fait aujourd’hui figure de référence, c’est en partie grâce à son histoire singulière. Cette variété originaire du Moyen-Orient, probablement de Turquie ou de Perse, est cultivée depuis plus de 300 ans ; elle aurait été introduite en Californie à la fin du XIX siècle (source : California Raisins). Le Sultanine a été sélectionné à l’origine pour sa capacité à produire à la fois des raisins de table, des raisins secs – très appréciés dans l’alimentation mondiale – et du vin blanc léger.

  • Le Crimson Seedless est issu d’un croisement aux États-Unis dans les années 1980 entre Emperor et C33-199 (source : USDA-ARS).
  • Le Flame Seedless provient aussi de Californie, obtenu dans les années 1970 par croisement de variétés Vitis vinifera et Vitis labrusca.
  • Le Centennial Seedless, moins connu, est une mutation naturelle du Sultanine découverte dans les années 1960 et popularisée pour ses gros raisins longs.

Ces origines témoignent de stratégies différentes : le Sultanine a bénéficié d’un long travail de sélection empirique, alors que les autres variétés oblongues résultent souvent de croisements dirigés en laboratoire pour obtenir des caractéristiques précises.

Aspects botaniques et morphologiques : similitudes et distinctions notables

Variété Forme Peau Couleur Taille des grains Texture de la pulpe
Sultanine (Thompson Seedless) Oblongue allongée Fine Vert pâle/jaune doré Petit à moyen (1,5-2g) Ferme à légèrement croquante
Crimson Seedless Oblongue Moyenne Rouge vif à pourpre Moyenne (1,8-2,2g) Ferme
Flame Seedless Ronde à ovale Moyenne Rouge clair Moyenne (2g) Juteuse
Centennial Seedless Très longue et fine Fine Vert-doré Grosse (2,5-3,5g) Croquante

Le Sultanine se distingue par son grain plus petit et sa peau fine. Cette peau fine, très appréciée pour les raisins de table et les raisins secs, constitue aussi un point faible en conservation postrécolte, alors qu’un Crimson ou un Centennial affichent une meilleure tenue au transport grâce à leur épiderme plus épais.

Une adaptation agronomique sans égal : productivité et rusticité comparées

La réputation du Sultanine tient à sa remarquable productivité. En Californie, il n’est pas rare d’atteindre 25 à 30 tonnes/ha/an en conventionnel sous irrigation (California Department of Food and Agriculture). Cette productivité surpasse, dans certaines conditions, d’autres variétés comme Crimson (autour de 17 à 22 tonnes/ha) ou Centennial (moins de 20 tonnes/ha, mais avec de plus gros grains).

Autre atout du Sultanine : sa précocité et sa capacité d’adaptation à de nombreux terroirs. Il est cultivé aussi bien en région méditerranéenne, en Californie, en Australie, qu’en Afrique du Sud ou en Iran.

  • Résistance à la sécheresse : Grâce à son système racinaire robuste, le Sultanine supporte mieux les stress hydriques, là où le Flame Seedless, par exemple, montre des signes de stress en cas de sécheresse prolongée.
  • Incidence des maladies : Son défaut principal reste la sensibilité à l’oïdium et à la pourriture grise, nécessitant une gestion phytosanitaire rigoureuse ; le Crimson est un peu plus résistant.
  • Besoin en hormones : Une spécificité : pour obtenir de grosses grappes, on applique au Sultanine du GA (gibberelline) à la floraison, contrairement à Crimson qui s’en passe plus aisément (source : Vigne Vin Sud-Ouest).

Caractéristiques gustatives et usages culinaires : nuances et préférences mondiales

Si l’on dissèque la popularité du Sultanine, la douceur de sa pulpe et la finesse de sa peau arrivent en tête. Son taux de Brix (taux de sucre) oscille entre 17 et 22 selon les conditions de culture, et l’équilibre entre sucre et acidité en fait un raisin apprécié des enfants comme des adultes.

  • La Crimson Seedless est légèrement moins sucrée (16 à 19 Brix), mais compense par son croquant et sa couleur attrayante.
  • La Flame Seedless est plus aromatique, avec des notes de fraise, mais montre une pérennité gustative moindre après la récolte.
  • La Centennial est appréciée pour ses grains XXL, mais sa pellicule ferme limite parfois sa consommation fraîche.

L’usage en transformation distingue là encore le Sultanine. Il reste irremplaçable pour la fabrication de raisins secs dits “raisins de Smyrne”, représentant plus de 95 % de la production mondiale de raisins secs sans pépins (OIV). Crimson et Flame, en revanche, sont dirigés quasi exclusivement vers le marché du raisin frais.

Valeur nutritionnelle et bienfaits : que dit la science ?

Les raisins sans pépins, oblongs ou non, partagent d’excellentes caractéristiques nutritionnelles : haute teneur en eau (>80%), bonne dose de vitamines (notamment B6, C et K), richesse en antioxydants, polyphénols et potassium. Néanmoins, quelques nuances existent :

  • Le Sultanine, une fois séché, concentre jusqu’à 60 % de glucides pour moins de 0.7 g de lipides/100g et 3 g de fibres (USDA Nutritional Database).
  • La Crimson Seedless et la Flame Seedless fraîches offrent une concentration légèrement plus élevée en resvératrol, un antioxydant réputé protecteur cardiovasculaire.
  • Le Centennial, grâce à sa grosseur, concentre plus de fibres par portion.

A noter que leur faible teneur en pépins leur confère aussi un intérêt pour la consommation infantile et les régimes spécifiques.

Dynamique des marchés : domination du Sultanine, potentiel des nouvelles variétés

Selon l’FAO et l’OIV, le Sultanine représente environ 55 % des surfaces mondiales plantées en raisin de table sans pépins à vocation export. C’est aussi la variété la mieux valorisée sur le segment raisin sec (22% du total mondial exporté). Sa diffusion en Afrique, en Asie centrale et en Amérique rattrape la progression de ses "cousins" américains (Crimson, Flame).

  • Le Crimson Seedless constitue désormais la 2 variété la plus exportée (environ 13 %), notamment en Europe du Nord et au Japon, là où sa couleur joue en sa faveur.
  • Les nouvelles variétés laboratoires, comme Sweet Celebration ou Arra 15, cherchent à grappiller des parts de marché sur le créneau premium grâce à des qualités organoleptiques innovantes.
  • Le Centennial reste marginal, car tous les marchés n’acceptent pas la taille excessive de ses grains.

Cette suprématie du Sultanine s’explique aussi par son faible coût de production, une facilité de mécanisation à la récolte, et la densité de ses grappes, réduisant la main-d’œuvre nécessaire.

Innovations et perspectives : sélection variétale, génomique et nouvelles attentes

Avec le réchauffement climatique et l’évolution des marchés, la filière recherche des variétés alliant résistance, rendement, nouveauté gustative et longévité postrécolte. Sur ce terrain, le Sultanine reste un modèle, dont le génome a été séquencé intégralement dès 2012 (NCBI), facilitant la création de mutants et de croisements. On cherche désormais :

  • À améliorer la conservation du raisin sans pépins à longue distance
  • À accroître la résistance naturelle au mildiou et oïdium, sans traitements chimiques lourds
  • À sélectionner des goûts innovants (arômes muscat, cassis, etc.) par croisement dirigé

De nouvelles variétés, comme Itum Six, sont issues d’une sélection génomique accélérée, permettant d’obtenir en 10 ans ce que le Sultanine a mis un siècle à peaufiner.

Pour les producteurs comme pour les consommateurs, un choix stratégique

La notoriété du Sultanine ne se dément pas et s’explique par une convergence rare : adaptabilité, excellente productivité, douceur, polyvalence, faible coût. Il reste indétrônable pour l’export et la transformation. Cependant, la diversité croissante des goûts, les impératifs liés au transport et la montée en puissance de nouvelles variétés oblongues sans pépins redessinent le paysage viti-agricole.

Producteurs et consommateurs doivent désormais arbitrer entre des critères de rendement, de goût, de conservation et de couleur. Une chose est sûre : chaque variété oblongue sans pépins conserve sa spécificité et contribue à la mosaïque gustative et commerciale du monde du raisin de table. Rester attentif à l’innovation et à l’évolution des préférences sera la clef des prochaines décennies.

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