Publié le
Vendredi 3 avril 2020

Dix questions sur les huiles essentielles en élevage

Certains éleveurs utilisent les huiles essentielles pour apaiser les vaches, avec la technique olfactive	: quelques gouttes déposées sur une cale de bois, qui se diffusent dans le bâtiment.
Certains éleveurs utilisent les huiles essentielles pour apaiser les vaches, avec la technique olfactive : quelques gouttes déposées sur une cale de bois, qui se diffusent dans le bâtiment.

L’aromathérapie, en élevage laitier, peut permettre de garder des vaches “en bon état sanitaire”. Les huiles essentielles sont souvent utilisées dans le but de réduire les antibiotiques. Attention toutefois à ne pas faire n’importe quoi et à respecter la réglementation.

• Que dit la réglementation ?

La législation encadrant le soin aux animaux est stricte. Toute substance utilisée dans le but de soigner des animaux doit être prescrite par un vétérinaire, à commencer par les plantes et produits à base de plantes médicinales. Une trace de son utilisation doit aussi apparaître dans le cahier sanitaire de l’élevage. Attention au risque de sanction pour automédication.

• Comment utiliser légalement les huiles essentielles ?

Céline Peudpièce, vétérinaire à la chambre d’Agriculture suggère de travailler avec son praticien : “Cela permet de maîtriser le risque.” Mais il est possible de travailler seul, certains utilisent la technique olfactive : il s’agit de déposer par exemple quelques gouttes d’huile (de lavande par exemple) sur une cale de bois dans le bâtiment. Cela réduirait le stress des animaux.

• Quelle efficacité ?

Appliquer les huiles essentielles en mélanges sur les mamelles des vaches est “peu efficace”, selon le vétérinaire Hubert Hiron, autre spécialiste du sujet. Appliquer des huiles non mélangées, sur des points externes choisis, sans nécessairement toucher à la mamelle donne de bien meilleurs résultats, constate le vétérinaire. “La guérison ne dépend pas de la technique employée mais de l’animal. Si une mammite est apparue en deux heures, elle pourra disparaître aussi vite, la guérison est proportionnelle à la dynamique pathologique de chaque animal.”

• Quel usage en préventif ?

La diminution du stress permet d’avoir un meilleur équilibre immunitaire. Elles travaillent aussi remarquablement sur les grands équilibres physiologiques (foie, reins, rate, etc.) L’aromathérapie semble ainsi intéressante en préventif, pour travailler sur l’état, l’équilibre de l’animal. “Il y a une balance : les défenses de l’animal doivent être supérieures à la pression de l’environnement”, précise Céline Peudpièce. ,Eric Guihéry, éleveur bio à Hercé (Mayenne) utilise des huiles essentielles de Géranium comme répulsif anti-mouches : une goutte sur le front, une autre sur le haut de la queue pour les repousser pendant les périodes de forte infestation.

• Et en curatif, que guérit-on ?

En curatif, elles sont fréquemment utilisées pour les mammites. Elles donneraient également d’assez bons résultats sur les infections utérines en permettant de contracter l’utérus tout en désinfectant. Les pathologies respiratoires peuvent aussi être guéries, par simple diffusion dans l’air ambiant. Eric Guihéry les utilise pour guérir les hémorragies : “Quand il y a un saignement, je diffuse une huile (hélycrise italienne) en spray sur la mamelle, cela cicatrise en moins de douze heures. Mais ne présentez pas cela comme une recette miracle.” Comme anti-parasite, trois huiles (dont l’ail), diluées dans l’aliment, lui permettent de lutter contre les strongles bovins.

• Pour les mammites, on fait comment ?

Pour les mammites, les huiles “le préventif commence par une bonne gestion sanitaire de l’élevage”, rappelle Hubert Hiron. “Les cellules et mammites ne sont que le symptôme, l’expression du mal-être physiologique de la vache et de l’interface avec le milieu extérieur.”

Certaines huiles, anti-infectieuses, sont un curatif violent. Eric Guihéry utilise une huile préparée artisanalement, qu’il applique avec des gants sur les zones dures et douloureuses de la mamelle. “Cela a un effet anti-inflammatoire, cela diminue la violence de la mammite, mais ça ne va pas jusqu'à la fin de la guérison.” Il a une autre méthode qui consiste à appliquer une seule huile en spray, sur un seul quartier, en fonction de la localisation de la mammite et du type de mammite. “Là, on est dans l’accompagnement de l’animal, les vaches se guérissent toutes seules dans huit cas sur dix.”

• Pour les boiteries, c’est efficace ?

Si certains éleveurs constatent une efficacité au bout de six jours de traitement (en appliquant par exemple quelques gouttes au pinceau juste au-dessus du sabot), Hubert Hiron est plus réservé : “Quand l’animal a une pathologie liée à un problème récurrent comme les boiteries, on ne peut pas guérir à long terme sans s’attaquer à la cause.”

• Les huiles essentielles peuvent-elles remplacer les antibiotiques ?

Pour Hubert Hiron, la question est mal posée. “Si je veux remplacer un antibiotique par une huile essentielle, je m’adresse à la mamelle, c’est insuffisant. Les huiles essentielles s’adressent à l’animal, permettent de le rééquilibrer, pour qu’il puisse ensuite se guérir. Et dans ce cas, je peux me passer d’antibiotiques.” Depuis une dizaine d’années qu’il a recours aux huiles essentielles, Eric Guihéry a pu réduire l’usage d’antibiotiques à trois interventions sur mamelles par an maximum, dans son troupeau.

• Y a-t-il un risque ?

Les huiles essentielles sont des produits concentrés, potentiellement toxiques si mal utilisés. Si elles sont efficaces sur un bovin, on comprend aisément pourquoi il est proscrit de les appliquer à main nue. “J’ai une éleveuse laitière qui fait du beurre, et qui s’est retrouvée malgré elle avec du beurre à l’odeur de citron, à cause des huiles essentielles qu’elle utilisait, raconte Céline Peudpièce. Il y a parfois aussi des saisies de carcasses à l’abattoir parce que la viande sent la lavande !” Mais “si le produit est appliqué au bon endroit, à la bonne dose, au bon moment et avec les précautions nécessaires, il n’y a pas plus de risque que pour toute autre méthode thérapeutique”, relativise Hubert Hiron.

• Est-ce plus économique ?

Il est difficile d’avoir des données précises sur cet aspect. “Globalement, cela reviendrait plutôt moins cher, estime Céline Peudpièce, mais les éleveurs qui les utilisent sont en général plus attentifs à leurs animaux, ils interviennent plus précocement”. Les économies, Eric Guihéry les a réalisées sur la diminution des frais vétérinaires.

Antoine Humeau

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18 décembre 2020 - N° 51 - Notre dernier numéro
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