Ces dernières années, les conditions climatiques se sont révélées compliquées à appréhender, parfois difficilement compatibles, avec l’élevage bovin. Le sud de la Loire est depuis longtemps confronté à des étés très secs. Mais l’alternance d’hivers doux et très humides, et de sécheresses ponctuées de canicules concerne de plus en plus de zones plus au nord de la région. Cette année, la Mayenne et la Sarthe subissent une sécheresse inhabituelle.
“C’est national, mis à part la Bretagne avec un océan de verdure, insiste Isabelle Valade, la nouvelle directrice départementale des Territoires de la Mayenne. On voit notamment une diagonale qui va du Grand Est à Bordeaux. La Mayenne est en bordure, donc nous ne sommes pas ceux qui souffrent le plus.”
Le nord-ouest rattrapé par le climat
C’est un fait : en comparant l’évolution des arrêtés préfectoraux de restriction d’eau, “la situation est moins grave que l’an dernier”, remarque Christine Cadillon, cheffe du service Eau et biodiversité de la DDT 53. “A la même date, le seuil de crise concernait l’ensemble du département, l’Est était moins touché.” Cette façade Est, cette année, subit davantage. En particulier dans les Coëvrons : “C’est la catastrophe”, résume Etienne Fruchet, technicien de la chambre d’Agriculture. Le bel automne avait permis de limiter la casse en 2019, avec une pousse de l’herbe de qualité. Dans ce secteur, “c’est normal qu’il n’y ait plus d’herbe en juillet août, mais ce qui inquiète cette année, c’est que la pousse ne soit pas repartie une fois arrivé en septembre… Et ce n’est pas cette semaine qui va changer les choses”— la remontée des températures est revenue se joindre au manque de précipitations.
Le comité calamités, qui a réalisé une tournée d’inspection dans six exploitations au mois d’août, a alerté le ministère. La fin de l’année, en fonction de l’herbe d’automne, délivrera le verdict. “On entend beaucoup de plaintes sur maïs. Il y a des pertes importantes, c’est indéniable. Mais on constate aussi une grande hétérogénéité entre parcelles. Dans certains secteurs, cela va mieux, tempère la DDT. Il faudra attendre les bilans fourragers.”
Isabelle Valade pressent “un déficit fourrager”. Depuis deux ans déjà, observe Etienne Fruchet, lors de ses relevés de pousse de l’herbe, “on est passé de deux ans de stocks en prairie et foin, à une demi-année, dans l’Est”. La sortie d’hiver risque d’être compliquée.
Le nord-Mayenne est aussi historiquement pénalisé : ses éleveurs apprennent de plein fouet qu’ils ne sont plus épargnés par les conditions climatiques. Les ensilages de maïs seront suffisants, sans être exceptionnels. C’est surtout le deuxième socle fourrager du quart nord-ouest qui inquiète particulièrement en 2020 : les prairies. “C’est la première année où le manque d’eau est vraiment perceptible dans le nord de la Mayenne, décrit Etienne Fruchet. En 2019, on a pu observer des pertes fourragères, mais ce n’était pas autant ressenti sur le terrain.”
Et les alternatives ne résolvent pas tout. Dans le secteur de Landivy-Fougerolles (pointe nord-ouest du département), le développement des luzernières ne permettra pas de combler tous les manques. Leurs rendements aussi ont été freinés, “de 10 à 15 %”.
Le sud du département n’inquiète pas plus que ça. Néanmoins, une tendance de fond tend à prouver que les éleveurs adaptent leurs systèmes au climat : “Dans le sud, il y a encore une majorité d’éleveurs qui font aussi des céréales. Et on constate que la part des cultures dans la SAU est gentiment réduite pour augmenter la SFP.”
Globalement, Etienne Fruchet et ses collègues constatent un changement de stratégie sur les systèmes fourragers : “La priorité n’est plus l’autonomie, mais la sécurisation. On en revient au plan de base : être sûr d’avoir suffisamment de fourrages en début d’année.”