Le climat, c’est une préoccupation que partagent de nombreux éleveurs, si ce n’est la majorité. On constate la baisse de production fourragère depuis une quinzaine d’années. Et surtout, il y a un virage important par rapport au climat depuis cinq ans. On voit bien que les effets deviennent conséquents. En se projetant un petit peu, on devine que si on ne fait rien, on va au-devant de grandes difficultés."
"Rester libre" et "que cela bouge"
A Courcité, un noyau d’éleveurs, dont Luc Brizard, échangent, expérimentent et partagent leurs observations depuis plusieurs années. Leur réflexion s’est renforcée en 2018 et le groupe s’est étoffé dans les cantons de Bais et de Villaines-la-Juhel. La dizaine d’agriculteurs a déjà travaillé ensemble, réunis autour de l’achat de deux matériels en Cuma. Mais pour obtenir des réponses le plus rapidement possible aux changements d’ampleur, qui bouleversent les mécanismes naturels, ils ont décidé de s’organiser et de constituer un Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE).
Ce GIEE devrait prendre forme en 2021. Les agriculteurs voulaient pouvoir objectiver leurs résultats. Deux jeunes conseillers de la chambre d’Agriculture ont manifesté leur enthousiasme pour les accompagner : Sandra Guillemin et Roland Favory. Ce dernier précise les contours et l’intérêt de ce type de "labellisation": "Cette structuration permet de définir des actions à mener sur trois ans, et d’être accompagné ; mais un GIEE permet aussi une certaine flexibilité des actions, de rester libre." Pour ce qui est de l’état d’esprit : "L’idée de ce groupe est d’être ambitieux, et que cela bouge !"
D’autres acteurs motivés pourraient être fédérés au programme : Civam, Cuma, collectivités, associations locales, etc. Le GIEE sera ainsi étendu à l’échelle du nord-est de la Mayenne. Dans un second temps, les travaux d’expérimentation pourraient même être élargis à l’échelle du département. "On veut échanger le plus possible, et vulgariser sur les pratiques accessibles."
Car cette année a encore plus conforté les agriculteurs dans leur stratégie, y compris dans des secteurs comme Ernée, par exemple, ce nord-ouest béni où "les pertes en herbe ont atteint des niveaux records". Partout, des éleveurs observent et s’inquiètent de leurs capacités à nourrir leurs animaux dans un futur de plus en plus proche. "Les projections météo montrent que tous les phénomènes (manque d’eau chronique, sécheresse, canicule, vents violents, etc.) vont s’intensifier, s’inquiète Luc Brizard. Et pour réduire le réchauffement climatique, nous, agriculteurs avons un rôle à jouer par nos pratiques, nos modes d’élevage, notre indépendance aux fourrages importés, le maintien de haies, etc."
Pour s’y préparer, le futur GIEE a inscrit quatre priorités à son programme, à commencer par la sécurisation des exploitations, avec optimisation des assolements, recherche d’autonomie et de "fourrages innovants". "C’est un peu pompeux comme mot… On commencera surtout par tester et sécuriser le stock fourrager avec du sorgho ou de la siplhie, par exemple." La fertilité des sols et la valorisation des haies et ligneux "qui permettent une atténuation des températures" complètent ce programme.