Chez Groupama, principal assureur du monde agricole, 51 000 exploitations ont souscrit un contrat assurance récolte. Un chiffre qui ne semble pas avoir progressé depuis la mise en place à la fin de l’année dernière du contrat socle. Ce contrat multi-risques sur récoltes, défini par les pouvoirs publics, impose d’assurer au minimum 70 % de la sole. Et si la culture principale ne représente pas 70 %, il faut en assurer une autre, en totalité, même s’il n’y a pas forcément d’intérêt à l’assurer (du maïs fourrage par exemple). Ce contrat socle impose aussi une franchise de 30 % de perte. Autrement dit, si la baisse de rendement n’est que de 25 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, l’agriculteur ne sera pas indemnisé. Sur un rendement habituel de 80 quintaux par exemple, il faudrait donc avoir récolté moins de 56 quintaux. On comprend les réticences à souscrire un contrat. Mais le coût est pris en charge en partie par l’Europe. “Nous avons calculé que toutes productions confondues, assurer ses grandes cultures coûte en moyenne 36€/ha avant subventions et 22€/ha après subventions”, certifie Stéphane Gin, directeur des marchés agricoles à Groupama. “C’est un contrat coup dur, il ne faut pas attendre de lui qu’il couvre les 10 à 15 % de variations qui sont normales, poursuit-il. Il faut comparer ce coût à celui des produits phytosanitaires qui sont un autre moyen de s’assurer contre d’éventuels problèmes”. Cette année, sur 38 000 contrats grandes cultures, 27 000 déclarations de sinistres ont été enregistrées, rapporte l’assureur.
L’assurance récolte est-elle un dispositif pertinent pour les exploitations ? “Oui”, répond la FNSEA. “C’est l’année type où ce contrat fait sens” estime Groupama. Mais il convient d’être très prudent, de faire des calculs précis. Et toutes les années ne ressemblent pas à 2016.
“2016 est l’année où ce contrat fait sens, constate Stéphane Gin. Dans le Loiret par exemple, un agriculteur était assuré pour huit tonnes, sur quinze hectares. Il a perdu 8,15 tonnes, soit 82 % de pertes, il pourra bénéficier d’une indemnité de près de 800 euros par hectare”. Mais il s’agit bien là d’un cas particulier.
Déconvenues
“C’est un dispositif qu’il faut utiliser”, recommande Emmanuel Lachaize, responsable du dossier grandes cultures à la FDSEA du Maine-et-Loire. “Mais attention, met-il en garde, Il faut vraiment bien regarder son dossier, tout analyser avant de se lancer”.Autre mise en garde : ne pas récolter avant le passage de l’expert ! Lorsqu’il y a un incendie, on appelle l’assureur, qui vient constater les dégâts.
Pour l’assurance récolte, en revanche, pas question de récolter avant son passage, l’expert doit faire les constats sur pied. A Villebernier, près de Saumur (Maine-et-Loire),
Régis Baudouin a fait les frais de cet oubli. Installé depuis vingt ans, il avait pris souscrit un contrat d’assurance pour la première fois, cette année. 44 hectares de blé et maïs, et au final des rendements en blé à 53 quintaux, soit une chute de 30 quintaux. “Je ne savais pas et je n’ai pas pensé à appeler, et quand j’ai appelé l’assureur, on m’a dit que c’était trop tard, que je ne serais pas indemnisé”. Il avait pourtant tout fait dans les règles, assuré un suivi technique rigoureux, noté parfaitement ses prévisions de rendement. Il négocie actuellement avec son conseiller, mais “ma position est simple, menace-t-il : je considère cela comme un abus et s’il n’y a aucune prise en charge au final, je changerai de compagnie d’assurance”.
Antoine Humeau