Et si on écoutait les agriculteurs pour faire avancer la recherche ?" Telle est en résumé, la question abordée par l’Académie d’agriculture, le 9 décembre, au cours d’un webinaire sur le thème : "Les savoirs des agriculteurs, au cœur de l’innovation ouverte en agroécologie."
Les chercheurs s’intéressent particulièrement aux agriculteurs ayant développé "des systèmes peu dépendants d’intrants externes. Dans un contexte de changement climatique, et face à l’augmentation du coût économique et environnemental des intrants, l’étude de ces savoirs empiriques peut nous aider à trouver des voies vers une l’agriculture plus écologique".
Base, Déphy, Atelier paysan
"Dans l’innovation ouverte, des entreprises gagnent à partager des connaissances. C’est depuis longtemps une réalité en agriculture" rappelle Jean-Marc Meynard, directeur de recherche à l’Inrae (1). Non, le savoir n’est pas toujours descendant, il n’émane pas toujours des ingénieurs. Il remonte souvent du terrain. Pour preuve, les nombreux forums techniques où on échange entre pairs ; mais aussi les réseaux d’agriculteurs Base, Déphy, Innov’actions, ou encore des groupes de partage du type de l’Atelier paysan. "Il y a de plus en plus de plateformes de partage d’expérience entre agriculteurs. Le savoir des agriculteurs est reconnu par leurs pairs. C’est passionnant."
Ces réseaux se sont souvent constitués pour compenser des lacunes de connaissances des agrosystèmes, par exemple sur l’effet des auxiliaires, des bioagresseurs, l’effet du tassement sur les sols, etc. "Ces processus sont souvent mieux renseignés par les savoirs empiriques des agriculteurs" commente le chercheur, avant d’ajouter : "Lorsque des innovations sont construites sans les utilisateurs, on observe un décalage fréquent."
Des trésors dans les cours de ferme
Pour les chercheurs se dessine l’enjeu de "la traque aux innovations" : "Les innovations des agriculteurs restent cantonnées sur leur ferme, alors qu’elles pourraient contribuer à la conception chez d’autres agriculteurs." Il y a des trésors à découvrir. Par exemple, cite Jean-Marc Meynard : "On a dénombré 38 associations de cultures différentes chez quinze agriculteurs biologiques, alors que les chercheurs n’en étudient que cinq ! Le savoir empirique est une ressource précieuse."
Il décrit une discordance entre le savoir des agriculteurs et celui des ingénieurs et chercheurs. Un exemple ? Dans les essais culturaux, les ingénieurs veulent éviter les excès d’engrais et prônent un rendement médian. "Les agriculteurs cherchent plutôt un rendement maximum, ils ont une autre logique. Ce n’est pas les uns ou les autres qui ont raison, leurs savoirs sont complémentaires." De ces observations, le chercheur prône "des démarches basées sur l’hybridation des savoirs des agriculteurs avec les savoirs scientifiques".
(1) UMR Sad-Apt.