Al’Est de la République démocratique du Congo (RDC), en Afrique centrale. Entre guerres et absence de gouvernance, la province du sud Kivu. Comme ce fut le cas de l'autre côté de la frontière, au Rwanda, les conflits larvés s'y répètent depuis les années quatre-vingt-dix. L'or des sous-sols exacerbe la cupidité et la violence. Dans cette zone isolée de la RDC, la pression psychologique et sociale est une arme de guerre et de dissuasion massive pour les bandits et les groupes armés. Parmi les armes les plus redoutables, le viol et la mutilation des femmes.
Pour ces victimes, le calvaire ne s’arrête pas… Elles sont souvent socialement destituées, reniées en tant que fille mère, ou bannies par leurs propres familles, et souvent répudiées de leurs villages.
Dans un premier temps, un havre leur est ouvert pour se soigner, se reposer, guérir les maux, et tout simplement trouver un toit. L’hôpital de Panzi est dirigé par le Dr Mukwégé, Prix Nobel de la paix en 2018.
Kitumaini entoure 800 femmes
L’association Kitumaini — qui signifie "espoir" — essaie ensuite de leur offrir des voies de réinsertion sociale. Depuis 2004, ce sont 1 500 femmes qui ont été accompagnées sous la houlette du Dr Lokékéa. Elles sont actuellement 800, réparties sur cinq groupements de village. L'alphabétisation et les formations en agriculture sont leur planche de salut.
"Le potentiel des terres est là, mais cette région est délaissée, et ne parvient qu'à atteindre 10 % de son autosuffisance alimentaire", décrit Claude Bourdin, de l'association Dialogue international entre agriculteurs. Après plusieurs voyages en RDC, c'est lui qui a joué l'intermédiaire entre Kitumaini et la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire. Au fil du temps, l’Afdi Pays de la Loire a décidé de s’investir auprès de cette communauté, même si l’Afrique Sub-Saharienne reste jusqu'ici étrangère à sa mision (elle agit au Burkina-Faso et plus récemment en Tunisie).
Des femmes, pas des paysans
Autre nouveauté, le public ciblé. La présidente de l'Afdi régionale, Marietta Mérieau-Barteau, a plaidé la cause de ces femmes et "de ceux qui travaillent auprès d'elles sans moyens". "Le mot est à la mode chez nous, mais il faut aller là-bas pour comprendre ce que résilience veut dire."
"Sensibilisée" aux conditions de cette région du globe depuis la guerre du Rwanda, l'éleveuse vendéenne veut agir auprès d'une population dont "personne ne se préoccupe ici, même si les composants de nos portables viennent de là-bas".
En mars 2019, Marietta Mérieau-Bretau s'est rendue auprès de l'association Kitumaini, avec Claude Bourdin, Jacques Guignard, cadre retraité de la Cavac également investi dans des associations de coopération, et Jean-Pierre Emerieau, élu de la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire. En septembre, décision est prise de nouer un partenariat. Désormais, "il va falloir développer des échanges avec des femmes, les faire venir chez nous pour mieux les comprendre, précise Bertrand Métayer. On est parti pour au moins dix ans..."
"Taxes", accès au foncier, ravageurs, etc.
Si ce vaste chantier aboutit, des femmes pourraient retrouver leur dignité par un travail paysan, leur indépendance financière, le savoir, etc. Et pourquoi pas, espérer fonder une (nouvelle) famille. "Certaines espèrent encore des retrouvailles avec leurs maris, ou pouvoir retourner dans leurs villages."
De France, on observe l’étendue du défi… Il faudra des fournitures de matériel pour limiter la pénibilité (râteaux, pioches, machettes) mais aussi des semences. L'accès aux terres est également de plus en plus compliqué : les codes culturels pour départager le foncier sont à présent niés par les riches propriétaires. "Le fermage est plus cher que chez nous !"
La "grande campagne", de mars à septembre, a déjà permis à certaines femmes accompagnées de prétendre à leur indépendance, cette année. Elles cultivent principalement du maïs, avec beaucoup de haricots, de tubercules, de canne à sucre, du maraîchage… Mais la "petite campagne" qui a débuté révèle de nouveaux obstacles : des plants de maïs mangés aux pieds. "Un groupe d'appui agronomique se met en place pour identifier les ravageurs." Des échanges se feront par visioconférences.
Nouvel obstacle, cette année : le Covid-19. Les frontières fermées pénalisent la vente des produits. Des "taxes" sur le chemin n'arrangent rien. L'épreuve est avant tout économique. "Cette région a été plutôt réactive" face au risque sanitaire, témoignent Claude Bourdin et Bertrand Métayer. Les habitants avaient déjà connu une autre épidémie meurtrière : Ebola.