Mon mari a eu un infarctus. Le Samu n'a même pas pu mettre ses appareils en route... à cause des ondes.” Le quotidien de ces agricultrices et agriculteurs vivant sous des lignes à haute tension ou à proximité d'antenne relais de téléphonie mobile est devenu un enfer. “Notre fils ne dormait plus, il avait des nausées.” Du moment où il est parti à l'internat, les symptômes ont cessé. L'enfer pour un éleveur, c'est aussi de voir mourir ses bêtes : “On a perdu plus de 80 veaux.” “Une année, avec toutes les poules que j'avais, j'ai dû acheter des œufs pour faire le gâteau d'anniversaire de ma fille...”
Des douleurs longtemps tues. “On se sentait toujours seul.” Jusqu'à ce qu'un comité de soutien à deux couples sarthois se mette en place en juillet 2018. Depuis, il a rassemblé d'autres victimes, et réuni une centaine de membres, faisant appel à un avocat. Ces étapes ont été médiatisées, et relatées dans l'Avenir agricole. Pour le journal, Nathalie Barbe avait mené une première enquête à laquelle elle donne suite dans ce documentaire. Elle parvient notamment à consulter des documents jusque-là non révélés publiquement, sur les coûts des protocoles de la THT. L'un des témoins est Serge Provost, éleveur de la Manche, qui se bat... depuis trente ans.
Le reportage retrace la difficulté d'intervenir lorsqu'il s'agit d'ondes : “Aucun lien de causalité n'a été scientifiquement établi.” Le représentant de RTE plaide la bonne foi : “Nous n'arrivons pas à établir le lien.” Or pour que RTE ou les opérateurs de téléphonie dédommagent ou agissent, il faut des preuves. “Ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas qu'il n'y a rien” commente un géobiologue. Faire admettre ces nuisances est l'un des buts du collectif.
Silence organisé
Mais ce que pointe le documentaire, c'est justement la mauvaise foi des opérateurs. Le GPSE (groupement permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole), cellule chargée d'étudier les cas des agriculteurs, “exige le silence en échange de son aide. Les agriculteurs ont signé un engagement à ne pas parler”. De là, le propos du documentaire : on constate une omerta des institutions autour de ces situations. L'avocat du collectif pointe “une organisation de la désinformation” par le lobby électrique, comparable à celle qui a existé avec “le lobby de l'amiante”, ou “le lobby des pesticides”. Ce documentaire retrace ces combats des dernières années et contribue à les éclairer, eux qui restaient jusqu’à présent dans l'ombre des pylônes.