Sans l'environnement
et le sanitaire, “on a perdu” Pour étayer leurs argumentaires, les professionnels français se sont rendus à Denver, Colorado, au centre des Etats-Unis. “Nous sommes allés visiter un feed-lot (1) et un abattoir appartenant au groupe brésilien JBS. [Cet] élevage, c’est 50 000 animaux répartis sur 100 ha. Onze personnes y travaillent. Les animaux sont parqués à l’extérieur, il n’y a pas un mètre carré d’abri. Et encore, nous y étions pendant l’hiver (novembre 2012) ! Mais en été, sous 40 degrés... On ne peut pas supporter des importations de viande bovine issue d’animaux nés, élevés et abattus dans des conditions que nous avons pu voir à Denver. Ces animaux ne passeraient pas les portes d’un abattoir en France, ne serait-ce que par manque de propreté. Dans ce feed-lot, les animaux sont recouverts de boue des pieds à la tête. En arrivant dans les abattoirs, ils sont littéralement karchérisés avec de l’eau chlorée. L’eau arrive claire, elle s’écoule noire. Le différentiel entre les points sanitaires est énorme en élevage, mais aussi dans les abattoirs.” Un différentiel qui amènerait à “des distorsions de concurrence économique”, fait valoir la France. “Les distorsions de concurrence portent sur toutes les normes auxquelles répondent les élevages européens en terme d’environnement, de sécurité sanitaire et de bien-être animal.” Avec le social, ces sujets sont “prioritaires”. “Pour le moment, ils ne sont pas dans les négociations. Si on ne met pas la pression sur ces sujets et qu’on se contente de la maintenir sur les seules questions commerciales, on a perdu.” Des notions sur lesquelles “Stéphane Le Foll est mobilisé, très tranché”. Mais “les pays du nord de l’Europe ne seront pas à nos côtés sur ces négociations. Nous ne pourrons plus compter sur les pays du sud de l’Europe et sur l’Irlande, par exemple. A moins d’un an des élections européennes, on se demande quelle est [la] stratégie du Parlement. L’autre angle d’attaque, ce sont les associations environnementales : que font-elles?” L'opinion publique sera aussi déterminante : “Les consommateurs doivent connaître l’enjeu sociétal de ces négociations pour la filière et de fait, pour leur alimentation.”

“Les animaux des feed-lots ne passeraient pas les portes d’un abattoir en France”
Pierre Chevalier,
président de la Fédération nationale bovine (FNB), revient sur les intérêts français qu’il faudra porter tout au long des négociations sur l’Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Ces négociations ont officiellement commencé le 8 juillet (lire aussi en page 17).
grâce à l'accord que préparent Etats-Unis et UE, les filières animales vont jouer collectif. “Nous savons que l’agriculture est trop souvent la variable d’ajustement dans ces négociations qui porteront aussi sur l’industrie, les services, etc.”, indique Pierre Chevalier. “Toutes les familles d’Interbev (interprofession bétail et viandes) adoptent déjà une position commune.”
La stratégie se veut “incisive et sur la durée”. “Les études sont en cours pour proposer des données objectives sur le différentiel entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Parmi les questions étudiées, il y la traçabilité, les conditions de travail de la main-d’œuvre, les modèles d’exploitations, les hormones, l’environnement, la rémunération de la main-d’œuvre, le bien-être animal.”